Humeur

Le gang des poussettes

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Ce qui suit n’est pas inspiré de faits réels. Ce qui suit est totalement réel et cela m’est arrivé un jeudi.

Je suis à la recherche d’un café cosy et sympa pour écrire. C’est ma quête à moi. Quand je suis à la maison depuis trop longtemps, je n’arrive plus à me concentrer et j’ai tendance à faire autre chose. Parfois des trucs totalement inutiles dans le seul but de perfectionner l’art de la procrastination et de lisser les bords du vide.  Comme je l’ai déjà raconté, ce ne sont pas les cafés qui manquent dans le quartier. Il y a du choix, mais je n’ai toujours pas trouvé mon antre, celle où je pourrais venir me réfugier et booster mon imagination à coup de caféine et à l’aide d’un brouhaha ambiant.

La semaine dernière ouvrait La Clé des Champs le tout dernier café du quartier. Il faut dire que son ouverture était attendue. Annoncée de longue date sur les réseaux sociaux, l’attente était sur le point de se transformer en lassitude quand enfin un jeudi le grand jour est arrivé.

Je ne me rends pas compte si cela va parler aux non Londoniens. Juste une petite mise au point pour expliquer un peu le contexte et pourquoi on semble accorder tant d’importance à l’ouverture d’un café dans un quartier. Juste pour situer un petit peu: Londres est divisée en boroughs qui sont autant de petits villages, des sortes d’îlots dans la grande métropole. Oui, on habite à Londres, mais on habite avant tout à Fulham, Hampstead, Clapham, Ealing, Kentish Town ou encore Islington. Il y a une forte notion d’appartenance à son quartier et parfois même une fierté non dissimulée d’appartenir à telle ou telle tribu. Alors quand un nouveau restaurant, café ou autre commerce arrive dans le quartier c’est un petit événement, comme un atout supplémentaire pour les environs, un nouveau membre dans la famille.  Déjà s’il s’agit d’un café, d’un restaurant ou d’un coiffeur on est super soulagés car ce n’est pas un agent immobilier.

Dans mon précédent quartier, les petits commerces indépendants fermaient un à un pour laisser place presqu’à chaque fois à une putain d’agence immobilière. How many do you need for God sake?
Et puis il y a un autre facteur: ici on adore les petits commerces indépendants. Si un Starbucks avait ouvert en lieu et place de La Clé des Champs par exemple, je ne vous dis pas les quolibets qu’il aurait attirés. Le Starbucks aurait probablement eu beaucoup de succès, mais tout le monde aurait dénigré à un moment ou à un autre.

Bref, venons en au sujet qui me tient à cœur aujourd’hui: la Pram Brigade comme j’aime les appeler ici ou bien le gang des poussettes si vous préférez.

Donc j’arrive toute guillerette dans le tout nouveau tout beau café. J’ai mon ordinateur, mon carnet et mes crayons. Je commande un latte – £2.60 tout de même –  et un toastie. C’est super busy mais je trouve une place sur la banquette en face du comptoir. Mon latte ne met pas longtemps à arriver et je me mets à travailler. Peu de temps après arrive le toastie. Je décale un peu mon ordinateur pour installer mon assiette, saisis ma fourchette et mon couteau et m’apprête trancher quand j’entends:

Would you mind swapping tables so we can be more confortable with the prams?

Euh, hello ?! (non, bon ok)

Le ton est sec et ne laisse pas beaucoup de marge pour une réponse créative. Je m’exécute et je change de table pour laisser ces deux mamans à poussette s’installer confortablement et délimiter leur futur territoire, probablement pour les mois à venir.

Je me retrouve deux tables plus loin, toujours sur la banquette, face au comptoir. Stoppée dans mon élan, je me remets à mon sandwich quand les jambes de la petite Anouchka viennent se frotter à moi. Anouchka a dans les deux ans et est en pleine exploration. Une enfant libre et pleine de vie. Une de ces gamines qu’on préfère voir en photo. Tu vois?

Anouchka, stop bothering the lady. Come on darling.

Anouchka, elle en a rien carrer. Elle continue à venir se coller à moi. Je dois être assise sur un coin de banquette qu’elle n’a pas encore exploré. J’admire sa persévérance pendant que mon toastie refroidit.

Anouchka, stop bothering the lady. Come on darling.

Le ton est indolent et elle, la mère, ne semble pas convaincue par les mots qui sortent de sa bouche. Elle admire les prouesses de sa progéniture.

Come on Anouchka

Anouchka se met en tête de me passer par derrière. Je commence à perdre patience et cela doit se lire sur mon visage.

Come on Anouchka, stop bothering the lady. She doesn’t like it.

Je crois que la mère est diplômée de psychologie. Un don de déduction hors du commun. Elle devrait l’exploiter. Peut-être ouvrir un cabinet de voyance.

Mais Anouchka ne fait toujours rien. Elle poursuit son ouvrage et me laboure le dos avec application.

Un doute me vient. Anouchka serait-elle sourde?

Je ne sais pas quoi faire. Je lance des regards assassins à la maman. La patience est ma vertu préférée jusqu’à un certain point.

Come on Anouchka, the lady probably doesn’t have children, she doesn’t understand.

Euh…

Respire bien fort, visualise la grosse baffe imaginaire dans la face de poux de cette salope.

Tout doux.

Dehors le soleil brille, les oiseaux volent et tout n’est qu’amour autour de moi.

Excuse me Lady, I actually do have a child. But, there is a difference between you and me (connasse): I can control my child.

Et toc dans ta gueule la mère à Anouchka.

La vie est une jungle, vous savez.

Catégories :Humeur

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39 réponses »

  1. Merci, je ne compte plus les regards noirs que j’ai lancés dans le train la semaine dernière pendant le half-term. Il y avait beaucoup de grands-parents complètement dépassés qui n’avaient pas l’énergie et l’envie de réagir. Je crois que secrètement, ils sont outrés d’avoir de tels petits-enfants, mais font comme si de rien n’était. Il y a des jours où j’interviens verbalement d’autres pas. Thank God I have my music…

  2. Je visualise « la grosse baffe imaginaire dans la face de poux de cette salope ». Ton article est délicieux. Désolée je n’ai même pensé un moment à avoir de la compassion pour toi….je suis écroulée de rire.
    A voir ta photo, as tu eu des envies de meurtre ?

  3. J’aurais aimé voir la tête de la mère quand tu lui as sorti ta réplique cinglante, ça devait valoir son pesant de latte :p

  4. J’ai beaucoup roi, merci 🙂 ton article m’a rappelé des situations de ce genre dans l’eurostar… je compatis! La Clé des Champs n’est donc pas devenu ton nouvel espace de travail… A moins que la face de poux n’ait déclaré forfait? 😉

  5. ce n’est pas le gang de poussettes, le problème, c’est la diplômée en psychologie 😉
    Je suis sûre que tu aimerais travailler avec ma poussette et ma 3 ans à côté de toi !

      • très bien merci. Je croise les doigts, elle se comporte super bien dans les magasins, les restos etc… elle fait des crises à la maison, elle les garde pour nous en fait (grrrrrrrr) mais, finalement, je me rends compte que c’est bien mieux comme ça 🙂
        En relisant mon com’, on pourrait comprendre que ma 3 ans est encore en poussette mais non, je parlais de poussette pour le bébé de 9 mois et la 3 ans à côté !

        Mais sinon, à Londres y a pas des cafés-boutiques pour mamans-bébés-toddlers ? à Montréal, on en a plusieurs, c’est pratique 😉
        si il y en a, tu pourras suggérer aux autres que tu croiseras sur ton chemin, d’aller y faire un tour…

        • Oh mais quelle nouvelle. Je ne savais pas que tu avais un deuxième. Félicitations!
          Si, ces lieux doivent exister, mais je n’ai jamais eu envie de les fréquenter, même quand la Moulinette était petite. Je crois que je suis allergique aux aires de jeux d’enfants.

  6. Alors je dois dire bravo! Je suis pliée en deux (désolée) de lire ce petit dialogue intérieur. Tu aurais pu prendre une petite photo de la maman d’Anouchka quand tu lui as envoyé « la réplique qui tue »! Bien joué.

  7. « visualise la grosse baffe imaginaire dans la face de poux de cette salope » je te dis 40000 fois BRAVO! Aaaaaah je ne sais pas ce que j’aurais fait à ta place!

  8. J’applaudis !! J’aurais bien voulu être petite souris pour voir la face de
    poux au moment de la réplique qui tue. C’est mon fou rire de la journée !
    Merci et vite la suite.

  9. Merci, merci, merci : j’ai pas d’enfant malheureusement et lorsque je me fais agresser par ces gangs (et oui dans le sud de la France aussi, elles sont arrivées), je n’ose rien dire de peur que cela soit mon aigreur qui parle !
    Et du coup, dimanche dernier, un petit Salman de 6 ans a envoyé des graviers dans les assiettes de deux brunchers à c^té de nous ! Oups !

    • Ah si tu n’as pas d’enfant, tu n’existes pas pour elles. Tu n’es qu’une quantité négligeable. Elles, tu comprends, elles ont réussi à se reproduire.
      Ne baisse pas les bras et dis-toi bien qu’au fond d’elles, elles regrettent ce petit espace de liberté qu’elles ont perdu, c’est pour cela qu’elles sont un peu agressives.

  10. Y’a rien de plus agaçant que les mères qui se croient dans leur droit le plus grand d’ignorer le monde qui les entourent. Combien de fois j’en ai vu traversant la rue avec une poussette quand ce n’était pas à elle et engueuler par la suite le chauffeur qui les klaxonnait. Sans compter celles qui te roulent sur les pieds sans s’excuser, je peux comprendre qu’une poussette soit parfois difficile à manipuler mais faut pas exagérer.

  11. Ah le bon fou-rire du matin ! On visualise bien, même la face de poux de salope…
    Est ce qu’il y aurait atteinte aux droits d’auteur d’utiliser l’expression de temps en temps, verbalement et indirectement bien sûr ( je ne suis pas téméraire non plus) car elle n’est pas prête de me quitter !
    Bravo pour cet article succulent !

  12. Hello Fabienne. Bon, moi aussi, j’ai ri et aime ton post (comme d’hab) et en meme temps… je suis dans le gang des poussettes et ai une forte envie de dire ‘stop !!’ a toutes ces categories : ‘pram brigade’, ‘yummy mummies’ (je deteste cette expression- une allergie inexplicable), ‘working mums’… On fait toutes ce qu’on peut… Je suis dans la brigade contre mon gre. Licenciee juste avant de tomber enceinte, j’ai bien du mal a trouver un boulot qui justifie le cout de la creche et celui de metro pour aller bosser. Et en plus, apres avoir mis des milliards d’annees a reussir a me (je veux dire ‘nous’ !) reproduire, voici que par miracle je suis sur le point d’engendrer une deuxieme petite merveille… je suis donc en train de regarder les ‘double buggies’! Deja que je me vois mal sur la Piccadilly Line avec ce futur carosse, je crois que je ne vais plus jamais pouvoir rentrer dans un cafe. Je ne peux pas rester enfermee ‘at home’ jusqu’a l’age de l’ecole! Mais, bon, je sais que c’est plus la mere que le mode de transport que tu vilipendes dans ce post. J’ai bien rigole aussi.

    • Hello LondresIcietLa! J’ai envie de te dire bon courage!
      Tu as bien compris, je ne critique pas la poussette en soi. Juste ces mères un peu agressives qui font de leur enfant le centre du monde de ceux qui les entoure.

  13. Mais quelle connasse! (excuse my french) Sérieusement je crois que je lui aurais décroché la tête!
    Même moi qui pourrait être assimilé à ta pram brigade, j’ai du mal avec celles qui laissent leurs gamins hurler, courir, taper partt ds les restaurants/cafés… Tu gères ton gosse un minimum et si t’y arrives pas, ben tu vas faire un tour! (c’est pr ca que je sors moins avec paul:-)

  14. J’ai un (sacré !) wagon de retard, mais je viens de découvrir ton blog et cet article en particulier qui m’a fait mourir de rire. Je vis en Suisse, et je peux te dire qu’ici aussi un tas de gens se contentent de « faire » des enfants (et par là j’entends juste les faire, sans se rendre compte qu’il faut les éduquer ensuite !)
    Bref, merci pour ce bon moment, je vais aller découvrir tes autres articles !

    Amy

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