Humeur

L’esquive

L’autre jour, je me trouvais à un event posh au beau milieu de gens qui parlassent un anglais châtié. Un de ces event où il faut sortir la petite robe noire, les talons de pétasse et la bouche en cul de poule. C’est bon j’avais tout le matériel dans la R16. Je PEUX le faire!

Me voilà rendue au royaume des gens beaux et de la coupette greffée dans la paume de la main droite. Mon badge VIP accroché autour du cou, telle la vache moyenne arborant fièrement une clochette toute neuve, je me mis à observer tout ce petit monde qui papillonnait autour de moi. Oui le badge vip sur la robe c’est pas très joli-joli, mais parait que c’est tendance. Certains le conservent jusque dans le métro pour bien montrer qu’ils font parti du peuple choisi. Chacun ses petits plaisirs…

Plongée dans cet univers de paillettes empreint de futilité, je me suis demandée si je n’avais pas franchi la 4ème dimension. Et là je me suis sentie bien seule. Pensez-vous, un événement tellement exclusif que les «plus one» n’étaient même pas invités. Et que penses-tu qu’une femme seule puisse faire pour se donner une contenance en de pareilles circonstances?
Si tu ne réponds pas immédiatement à cette question, soit tu n’es pas une femme, soit tu as les neurones en vacances.
Et ben la femme, elle boit. Ou plutôt, elle sort son radar à coupette et calcule le chemin le plus court qui la sépare du stand à Champagne. Elle saisit la coupette d’un air détaché et peut enfin contempler le monde qui l’entoure avec sérénité.

Ne goûtant pas trop à ce genre plaisir solitaire (en mettant ces deux mots l’un à côté de l’autre, je sais bien que je prends un risque googlelien énorme) je sens poindre en moi un petit vague à l’âme.
Et là tu te demandes où je veux en venir. Ca vient, ça vient.

A ton avis que se passe-t-il lorsqu’un individu de sexe féminin se retrouve seul au milieu de la foule, avec sa petite robe noire, vulnérable comme un petit chaton qui vient de naitre? Le prédateur arrive avec ses gros sabots et deux coupettes histoire de lancer une conversation improbable. J’avais bien observé son petit manège depuis un moment, une légère impression d’être observée par dessus les verres et son gros zoom qui pointait vers moi l’air de rien (oui monsieur avait un gros appareil). Donc le voici qui fait le grand saut et m’aborde. Il me tend la flute, objet qui va permettre d’engager la conversation. Comment refuser un verre de Champagne? Me voilà bien embêtée avec une coupette dans chaque main. Sitôt le premier «tchin» échangé, il me débite son pedigree. Il est journaliste culinaire et vinicole, fait le tour du monde à la recherche des meilleurs vins, il est turc et le fait que nous portons chacun une belle alliance dorée ne le dérange absolument pas pour me faire une cour pour le moins musclée. Manquant d’entrainement ces derniers temps dans l’esquive du boulet je me demandais bien comment j’allais me dépêtrer de ce Don Juan ottoman. On devrait s’entrainer plus souvent à ce genre d’exercice de fuite. C’est tout un art finalement de planter en restant cordiale.
Il se trouve que j’avais un rendez-vous salvateur sur un des stands pour un interview avec une personnalité du monde gastronomique.
«I’m sorry I’ve to go. I’m meeting Machin Truc» (ton absolument désolé).
«I’m waiting for you» qu’il me répond avec son accent oriental. Forrrre you.
«It could be a bit long you know» (espoir)
«I have all the time in the worrrrrld» (désespoir)
T’es un coriace toi. Bon soit!

Je suis allée à mon rendez-vous prolongeant chaque minute dans le vain espoir que le prétendant d’un soir se lasse. Peine perdue. Je l’apercevais qui m’attendait. Il fallait trouver une solution et vite.
Une porte battante, un serveur qui se faufile. Voilà ma sortie.

J’ai pris la poudre d’escampette en passant par les cuisines affichant un air totalement dégagé. L’espace de 3 minutes, j’étais Nikita!

Dieu merci un black cab attendait juste devant l’entrée.

Pas très glorieux, mais assez jouissif quand même.

Catégories :Humeur

8 réponses »

  1. je viens de me délecter de ton post car je m’y suis vue ! c’était top, une sortie un peu facile mais en de telles circonstances on ne sait jamais ce qu’il peut se passer !

  2. Super !! la Turquie n’est pas près d’intégrer notre si belle Europe…
    Méfions nous des ottomans !!!
    Bref une fois de plus, ton humour fait mouche! Bravo

  3. Excellent!!! ton super article m’a bien fait marrer en cette matinée au boulot 😉 J’ai vu la scène tel un film. Seul regret : tu aurais dû l’envoyer bouler ce petit prétencieux ^^

  4. Je suis embarrassée, car je ne bois pas de champagne (ou d’alcool). Comment ferais-je alors pour survivre à un tel event ? (et oh, Nikita, la référence qui fait visualiser toute la scène, avec l’expression sûre du visage et tout le tralala).

  5. C’est ballot, ça, si tu ne t’étais pas sauvée aussi lâchement, tu vivrais peut-être aujourd’hui en Turquie et ton blog s’appellerait Lost in Istambul… En tout cas, ton post m’a bien fait rire. Merci.

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